Transcription épisode de podcast Pimp ta marque : Accessibilité et image de marque

Transcription épisode de podcast Pimp ta marque : Accessibilité et image de marque

Interview de Céline Ripolles par Warda Aït Mahmoude

Transcription : Céline Ripolles

Pour écouter l'épisode, cliquez sur ce lien.

Introduction

[Warda]

Bonjour à toutes, aujourd'hui on va parler d'un sujet hyper important pour ton business si tu cherches à te démarquer de la concurrence : l'accessibilité numérique.

J'accueille aujourd'hui Céline Ripolles, experte en sous-titrage et accessibilité, pour parler des bonnes pratiques à intégrer pour que peu importe le format, ton contenu soit accessible à tous les utilisateurs. Bonjour Céline, bienvenue au micro de « Pimp ta marque », comment vas-tu ?

[Céline]

Bonjour Warda, merci beaucoup de m'accueillir, ça va très bien.

[Warda]

Super. Parfait. C'est vrai que pour un peu situer le contexte, j'avais posté une publication parce que je cherchais de nouveaux invités pour la saison 4 et tu t'es proposée spontanément. J’en suis vraiment ravie parce que pendant le call de préparation, tu m'as vraiment donné le détail de toute ton expertise et j'ai trouvé ça hyper pertinent.

Je suis vraiment contente aujourd'hui de pouvoir partager ça avec mes auditrices. Est-ce que tu peux déjà commencer par te présenter, Céline ?

[Céline]

Oui, bien sûr. Je m'appelle Céline Ripolles. J'ai lancé mon entreprise il y a deux ans et ça fait environ 10 ans que je suis dans le milieu du sous-titrage. Il faut savoir que le sous-titrage, pour moi, c'est vraiment une passion. Peut-être qu’on en reparlera un petit peu plus tard, mais en tout cas, j'ai décidé de lier mon activité avec l'accessibilité numérique et l'accessibilité audiovisuelle.

Alors pourquoi ça ? Parce que, en fait, j'ai été rapidement frappée de voir que beaucoup de personnes sourdes et malentendantes n'avaient pas accès à la plupart des contenus vidéos et audios. Et donc j'ai vu qu'il y avait un réel besoin sociétal dans ce champ-là.

Donc maintenant, je propose des activités de sous-titrage vidéo pour les réseaux sociaux et aussi pour les films, séries, programmes, documentaires, du sous-titrage en direct pour les conférences pour que les personnes puissent suivre même avec un problème d'audition, et aussi une formation en sous-titrage pour pouvoir former les personnes au sous-titrage accessible.

Sous-titrage et inclusion

[Warda]

OK super, parfait. Ecoute, merci pour cette présentation. Ma première question, c'était de comprendre comment tu en étais arrivée justement à lier le sous-titrage à l'inclusion, parce que des fois, le sous-titrage n'est pas forcément lié à l'inclusion… Ça peut être aussi que les gens, ils sont dans le métro, ils ont pas envie de… Ils n’ont pas la possibilité d'écouter. Je pense d'ailleurs que c'est un peu un amalgame qui est fait : les gens se disent souvent, quand ils font du sous-titrage que c'est pour les personnes qui sont dans le métro ou qui sont dans un endroit où ils ne peuvent pas écouter, alors qu'il y a vraiment un tout autre domaine à adresser derrière, quoi. Comment tu as lié ça à l'inclusion ?

[Céline]

Oui, tout à fait. Il faut savoir qu'au départ, j'ai commencé le sous-titrage par passion pour les langues. Je faisais du sous-titrage traduction. Et en fait, dès le départ, j'aimais beaucoup ça puisque je me sentais utile, parce que quand je sous-titrais des séries, je savais que les gens attendaient le sous-titrage pour pouvoir en profiter. Donc ce sentiment d'être utile m'a vraiment parlé. Mais effectivement à l'époque il n’y avait pas forcément de notion d'accessibilité, on parlait de sous-titrage pour traduire les films ou séries.

Mais c'est en fait pendant ma première expérience professionnelle que j'ai découvert le sous-titrage SME, qui est un sous-titrage particulier pour les personnes sourdes et malentendantes et que l'on voit beaucoup à la télévision et au cinéma puisque pour la plupart des chaînes de télévision, c'est obligatoire de proposer ce sous-titrage-là. Donc j'ai commencé par ça puisque mes clients, via l'entreprise dans laquelle je travaillais, étaient des grandes chaînes françaises ou des studios comme Disney, par exemple.

Donc là, ça a été un peu une grande découverte pour moi que ce nouveau type de sous-titrage. Et c'est là où j'ai voulu creuser un peu plus loin parce que je me sentais d'autant plus utile en faisant ça, surtout parce que j'ai commencé en sous-titrant des programmes Disney Channel. Et quand je me suis dit : « En fait, là je sous-titre pour que les enfants sourds et malentendants puissent profiter de leur dessin animé comme les autres enfants », ça a vraiment touché quelque chose, je me suis dit : « C'est vraiment là-dedans que je veux continuer. »

Mais à l'époque, j'avais beaucoup de choses à apprendre sur le milieu, sur la manière de sous-titrer aussi. Et surtout, je n’avais pas de contact avec les personnes concernées par la surdité. J’avais des retours des clients, mais je n’avais pas de retour du public auquel je m'adressais.

Et donc quand je me suis lancée en indépendante, j'ai vraiment ressenti ce besoin d'essayer de voir si mon sous-titrage était véritablement utile et adapté. Et c'est comme ça que j'ai rencontré des personnes sourdes, des personnes de la communauté sourde et aveugle également et des personnes du milieu du handicap. Et ça, ça a été vraiment super enrichissant.

J'ai vu aussi toute l'étendue de l'injustice que subissaient les personnes en situation de handicap en France sur le nombre de choses qui ne sont pas accessibles aujourd'hui, le nombre d'informations auxquelles elles n’ont pas accès. Et donc c'est avec ces personnes, avec leur aide très précieuse, que j'ai vraiment développé mon activité autour de ça.

Et ce qui est vraiment super, c'est que l'accessibilité numérique, ça se développe beaucoup. Les gens se rendent compte qu’il y a toutes ces personnes en situation de handicap, qui sont là, qui sont demandeuses, qui vont sur Internet, qui veulent voir des vidéos, qui veulent voir les mêmes programmes que les personnes valides. Et donc voilà, c'est une activité qui grandit.

Les défis auxquels sont confronté les entreprises en matière d’accessibilité

[Warda]

Super parfait. Justement, quand on pense aux entreprises, quels sont les principaux défis auxquels elles sont confrontées quand on parle d'accessibilité audiovisuelle et numérique ?

[Céline]

Pour moi, le principal défi, c'est une méconnaissance du handicap et des besoins des personnes concernées. Plus je sensibilise, (parce qu’une grande partie de mon activité, c'est aussi de la sensibilisation) plus je me rends compte des clichés et des préjugés qui perdurent encore aujourd'hui. Alors la plupart du temps, ce n'est pas du tout mal intentionné. Au départ, on a peut-être cette idée de la personne qui ne veut rien savoir du handicap, mais la plupart du temps, ce n’est pas du tout ça : les gens sont intéressés, mais ils ont des croyances.

Par exemple, ils pensent que toutes les personnes sourdes parlent la langue des signes, que les sourds ne parlent pas, que les personnes aveugles ne vont pas sur internet… Ils ont un peu des croyances et des clichés comme ça.

Et surtout, dans cette méconnaissance du handicap, je pense qu'on ne sait pas vraiment tous les aspects de la surdité. Par exemple, on me dit très souvent : « Ah j'entends pas bien », «  j'arrive pas trop à suivre les vidéos parce que j'ai une baisse d'audition », « j'ai du mal à suivre des conférences, à suivre des formations parce que j'entends pas très bien, mais bon, je suis pas sourd. » Voilà, c'est vraiment un retour que j'ai très souvent. Donc ces personnes-là, souvent ne se font pas diagnostiquer et même si elles se font diagnostiquer, elles ne demandent pas d'aménagement ensuite pour pallier ce problème d'audition.

Donc voilà, la surdité c'est vraiment très large, ça ne se limite pas aux personnes sourdes qui parlent uniquement la langue des signes. C'est vraiment un grand spectre de la population, j'ai envie de dire.

Un autre frein que je verrais, une autre croyance plutôt, c'est lié au coût de l'accessibilité numérique. On s'imagine souvent que l'accessibilité, ça coûte trop cher ou que c'est pas réalisable, que c'est difficile à mettre en place.

Alors, on ne va pas se mentir, l'accessibilité, ça ne se fait pas comme ça, il faut un effort conscient pour la mettre en place : se former, faire des efforts…

Mais il n’y a pas tant de temps et tant d'argent à investir que ça finalement. Parfois on s'en fait toute une montagne alors que déjà on peut commencer par des petites choses qui sont gratuites et pas trop chronophages, et ensuite monter de plus en plus selon notre audience et notre public.

Aussi, même si on veut consacrer de l'argent à des solutions d'accessibilité, il y a toujours moyen de trouver des solutions qui ne coûtent pas trop cher, surtout si on fait appel à des indépendants qui ont une expertise précise.

[Warda]

Et je pense aussi que de plus en plus l'intelligence artificielle permet d'avoir des outils qui permettent d'automatiser le sous-titrage. On a pas mal d'outils qui permettent d'avoir une proposition de sous-titrage qu'on peut retravailler par la suite. Mais en termes de temps et même de coût c'est beaucoup plus abordable que de partir sur des outils ultraperfectionnés ou ultra technologiques.

C’est clair qu'aujourd'hui je me rends compte qu'il y a énormément de choses qui sont accessibles. Après, il faut se former ou déléguer. Ca a un coût, ça c'est une réalité.

Mais je trouve que si on compare la situation aujourd'hui à quelques années en arrière, il y a eu quand même pas mal de progrès. Ça vaut le coup je pense d'intégrer ça dans sa stratégie. D'autant plus que comme tu le disais, il y a quand même un manque de connaissances qui fait qu’il y a pas forcément beaucoup d'entreprises qui se positionnent sur cet aspect-là.

Pour peu qu'ils aient un département RSE, je pense qu'il y a vraiment une carte à jouer en termes de visibilité et de positionnement auprès d'une certaine cible sur cet aspect-là de l'accessibilité numérique.

[Céline]

Oui, tout à fait. En fait, de toute façon, de manière générale, on a accès à beaucoup plus d'outils numériques pour nous aider, notamment depuis le COVID. Finalement, on a de plus en plus de télétravail par exemple, ce qui est un aménagement super important pour les personnes en situation de handicap. Donc voilà, la société nous pousse aussi vers ça.

Et puis, c'est vraiment passionnant en fait. Enfin pour moi, je trouve. Dès qu'on rentre là-dedans, on a envie de savoir comment on peut faire bien. Je connais beaucoup de personnes qui étaient au départ graphistes ou qui travaillaient dans la communication qui, en fait, intègrent l'accessibilité numérique à leurs pratiques et comme ça, permettent de la diffuser aussi.

Les personnes sourdes et malentendantes en France

[Warda]

Juste une petite question un peu spontanée, est-ce que t'as une idée du nombre de personnes sourdes et malentendantes en France ?

[Céline]

Oui. Alors, selon les chiffres, on considère qu'il y a environ une dizaine de millions de personnes sourdes et malentendantes en France, sept millions de personnes sourdes à peu près et la malentendance, c'est vraiment quelque chose de très large, donc les chiffres sont un petit peu flous là-dessus.

Mais il y a aussi d'autres études qui montrent qu’on serait peut-être à 12,13, 15 millions de personnes qui ont un problème d'audition. Parce qu’on a justement, comme je te disais tout à l'heure, ce problème où on se fait pas forcément diagnostiquer où on se fait diagnostiquer tard. J'ai aussi des personnes qui me disent : « Moi j'entends pas bien, mais c'est normal, je suis vieux » ou de choses comme ça.

La surdité, c'est pas forcément lié à l'âge. Déjà, c'est aussi peut-être un cliché qu'on peut déconstruire : il y a beaucoup de personnes adolescentes ou jeunes adultes qui ont un problème d'audition ou qui sont sourdes. Donc voilà, c’est ce genre de choses. Donc c'est vrai que c'est quand même très large. Si on s'imagine à l'échelle de la France, c'est quand même énormément de personnes.

Le sous-titrage et la formation

[Warda]

Oui, et je me dis également qu'au-delà de la surdité et de la malentendance, je pense que même en termes de… Comment dire, de mémoire cognitive… Moi je sais que par exemple, j'ai une mémoire visuelle plutôt qu’auditive, mais je me rends compte aussi que parce que je ne lis plus, je perds les informations beaucoup plus rapidement que si je les lisais.

Il y a aussi ça à prendre en compte, au-delà de dire : « J'ai un problème de surdité », je pense que c'est important de penser au sous-titrage, notamment pour des formations et j'ai souvent eu des élèves qui m'ont dit : « Bah moi je préfère lire le texte, je sais que j'ai les slides, mais je préfère lire le texte, c'est une habitude de consommation et je pense qu'il y a énormément de gens qui le mettent en avant et je trouve clairement qu’une formation aujourd'hui qui n'est pas sous-titrée, limite, elle sera peut-être beaucoup moins valorisée qu'une qui sera sous-titrée en fait, quitte à avoir peut-être cette option : le mettre ou ne pas le mettre.

[Céline]

Oui, tout à fait. Tu as tout à fait raison.

Effectivement, dans le milieu de la formation, c'est vraiment un enjeu très important. Déjà pour l'inclusion des personnes en situation de handicap, mais aussi parce qu’on a des études qui ont été faites, des études scientifiques, qui ont montré l'effet du signal redondant.

C'est-à-dire que si on entend une information, via une vidéo ou un podcast, et qu'on la lit en même temps, tout simplement, l'information passe mieux, en fait. On comprend mieux les choses donc c'est pour ça que souvent effectivement, j'ai aussi eu les mêmes retours que toi. On me dit : « Bah tiens cette vidéo était sous-titrée, j'ai l'impression que j'ai mieux compris, le message est mieux passé. » Et ça c'est très important sur toutes les vidéos informationnelles.

Et j'ai envie de dire, quand on fait une vidéo, c'est aussi pour faire passer un message, même si c'est un message publicitaire, un message à but de communication. Le but, c'est quand même que le message passe et qu'il soit surtout retenu, en fait. Le sous-titrage permet vraiment ça.

Alors attention aussi parce qu’il faut un bon sous-titrage. Tous les sous-titrages ne se valent pas. Si on a un mauvais sous-titrage, par contre, sur une formation, un sous-titrage qui va être par exemple désynchronisé, avec des erreurs, avec une vitesse de lecture qui est trop rapide, un mauvais affichage ou un mauvais format, ça va créer une dissonance qui va empêcher les personnes de bien comprendre. Voilà : bien le faire, on va dire, mais en tout cas ça a vraiment des très bons effets si on le fait bien.

L’importance du bon sous-titrage

[Warda]

C'est vrai que si on observe ce que tu viens d'expliquer, les erreurs à éviter, c'est vrai que l'expérience est pas du tout pareille. Moi, j'ai eu cette expérience et c'est vrai que tu as clairement pas envie d'entendre. Même si tu écoutes, tu as clairement pas envie d'aller jusqu'au bout parce que tu es, quelque part, perturbée par un flux d'information un peu en différé que tu reçois. Tu écoutes quelque chose et tu lis quelque chose qui est complètement en décalage et c'est vraiment horrible, donc en effet, il faut faire le travail.

Moi, je sais que ça me prend un certain temps de sous-titrer mais je préfère faire un bon découpage, repasser la vidéo pour  m’assurer que tout est OK, parce que sinon ça sert littéralement à rien.

[Céline]

Oui tout à fait, tu as tout à fait raison. Sur les réseaux sociaux, on voit beaucoup de sous-titrages qui sont mauvais et donc qui sont au final contre-productifs. Ce qu'on voit aussi beaucoup c'est des sous-titrages où le but c'est d'habiller la vidéo plutôt que d'aider à la compréhension.

Donc on a des sous-titrages avec des emojis, des sous-titrages qui vont flasher avec des polices qui sont ce qu'on appelle des polices « fantaisie », c'est-à-dire des polices qui ne sont pas accessibles.

Il faut savoir que j'ai beaucoup parlé de surdité bien sûr, mais le sous-titrage va aider beaucoup de personnes qui ont d'autres situations de handicap. Par exemple, les personnes qui ont des troubles de l'attention, ou des troubles dys, tout ça. Le sous-titrage va les aider.

Mais si justement on met une barrière à l'entrée de la vidéo avec un sous-titrage « fantaisie », « habillage » qui n'est pas accessible, c'est quelque chose qui va repousser les personnes. Et encore une fois, même si je sais que parfois ça peut être un peu un gros mot de parler de trouble, ce sont des choses où une grande partie de la population française est touchée de près ou de loin. Donc voilà, d’où l'importance, pour que son contenu soit vu et apprécié à sa juste valeur, de prioriser le sous-titrage.

Le sous-titrage pour se différencier

[Warda]

C'est un retour sur investissement. Le temps et la qualité qu'on va consacrer à ce contenu-là, c'est pour que ça serve un but précis, donc autant se donner les moyens. Si on s'intéresse aux solopreneurs et aux créateurs de contenus, quels sont les avantages spécifiques pour eux du sous-titrage s'ils souhaitent se différencier, justement ?

[Céline]

Alors pour moi, le sous-titrage c'est vraiment quelque chose de différenciant en soi, pour l'instant en tout cas, puisque c'est encore pas généralisé. Donc si on sous-titre sa vidéo et qu'on la sous-titre bien, les personnes vont le remarquer. Bien sûr, ça va servir à rendre accessible votre vidéo aux personnes sourdes et malentendantes, donc on a parlé quand même d’une dizaine de millions de personnes en France. Vous attirez ainsi une nouvelle audience qui va être prête à vous suivre et à vous soutenir parce que vous avez rendu votre vidéo accessible.

Aussi, comme on disait tout à l'heure, avec un bon sous-titrage, on augmente la qualité perçue de la vidéo. Le bon sous-titrage, on le voit surtout dans les films, les séries, sur Netflix, au cinéma. Et donc si on met un bon sous-titrage qui suit ces normes, cet affichage-là, ça augmente tout de suite la qualité perçue. On est un petit peu plus dans le haut de gamme.

Et d'augmenter cette qualité-là, ça permet aussi d'augmenter le taux de visionnage de la vidéo, ce qui est vraiment crucial, notamment sur des plateformes comme YouTube, mais aussi sur tous les réseaux. Si vous restez sur le post de la personne, sur la vidéo de la personne, l'algorithme va le voir et va montrer votre post à plus de personnes donc il y a vraiment un enjeu de visibilité là-dessus.

Et comme tu le disais au départ, effectivement c'est vrai qu'on ne pense pas forcément aux personnes sourdes et malentendantes, mais tu as raison sur le fait que beaucoup de gens regardent les vidéos sans le son dans le métro ou même s’ils sont sur leur téléphone pendant la pause, ils se demandent… « J'y passe juste cinq minutes, je vais pas mettre mes écouteurs ou je vais pas mettre le son à ce moment-là. »

 Il y a une étude qui est sortie il y a quelques années qui a montré que 85 % des personnes qui utilisent les réseaux sociaux de Meta, donc Facebook, Instagram etc. regardent sans le son, en fait. Donc finalement c'est une très grande partie des personnes qui visionnent. Donc on en revient au fait que les personnes ne vont pas rester sur la vidéo s'il n’y a pas quelque chose qui les accroche même sans le son.

[Warda]

Oui. Et je pense qu’au-delà de ça, on parlait de handicap.

Je sais que par exemple, mon fils est porteur de handicap et même si personnellement je ne me sens pas forcément concernée par les troubles que tu as mentionnés, je me dis qu'il y a aussi cet effet ricochet de se dire : « ce contenu-là parlera à mon enfant, il parlera peut-être à ma cousine, à ma meilleure amie » parce qu’elle, elle a un trouble, il y a une espèce d'effet ricochet qui n’est pas négligeable.

Parce que même si toi, en tant qu'individu, tu n’es pas concerné, le fait que tu consommes du contenu qui est accessible, je pense que ça va vraiment t'aider à te dire : « Je vais parler de ce contenu-là à mon ami, je vais partager ce contenu-là avec l'enseignante de mon fils ».

Tu vois, c'est vraiment comme ça que tu crées la visibilité.

Il ne faut pas se contenter de dire : «  Bon ben OK, il y a X % de personnes qui sont sourds et malentendants, ce n'est pas massif, j'ai pas besoin de d'appliquer ça », il faut vraiment aller plus loin. Je pense qu'à un moment donné, on arrivera à un stade où les sourds et malentendants seront 100% inclus dans la société.

Parce que je trouve qu'il y a eu quand même pas mal de progrès. Je trouve qu'il y a quand même aussi une vitesse d'incubation qui n’est pas négligeable, donc encore une fois je trouve que c'est vraiment un élément à intégrer à la stratégie que l’on construit.

[Céline]

Oui, effectivement. Ce que je dis souvent, c'est qu’avec l'accessibilité numérique, vous aidez non seulement les personnes en situation de handicap, mais aussi leurs aidants.

Les aidants, c'est les personnes qui, de près ou de loin, vont aider les personnes porteuses de handicap. Donc ces personnes-là, on considère qu'il y a environ une personne sur 6 en France qui est aidante, ce qui est vraiment énorme.

Par exemple sur une vidéo, si vous êtes aidant d'une personne sourde ou même si vous sortez entre amis, disons, et qu’une des personnes du groupe est sourde, si vous voulez leur montrer la vidéo et qu'elle n’est pas sous-titrée, qu'elle n’est pas accessible, il faudra la montrer, décrire ce qui s'est passé, peut-être écrire sur votre téléphone ce qui est dit.

Si la personne parle la langue des signes, il faudra peut-être traduire en langue des signes, enfin voilà. Finalement, on donne de la difficulté. Alors que si la vidéo était accessible dès le départ comme tu l'as dit, tu la montres, tu l'envoies, il n’y a pas de souci là-dessus.

Sur les conférences par exemple, aussi. C'est souvent un retour que j'ai à la fin d'une conférence que j'ai sous-titrée en direct : les personnes viennent me voir en me disant « Enfin, je n’ai pas eu à décrire ce qui se passait, à faire quelque chose pour que mon amie sourde puisse suivre comme les autres. » C’est une charge mentale en moins en fait, tout simplement.

[Warda]

Super, on va maintenant parler de budget, parce que tu le disais aussi, c'est vrai que l’on a cette fausse idée de se dire qu’aujourd'hui pour sous-titrer, ça coûte beaucoup d'argent. Comment justement un solopreneur ou un créateur de contenu peut-il intégrer le sous-titrage dans sa stratégie de contenu ? Tout en respectant, bien sûr, un budget limité ?

Sous-titrer avec un budget ou un temps limité

[Céline]

Quand on a un budget limité, je dirais surtout prendre du temps pour se former.

C’est vrai que souvent, quand on est créateur de contenu, on a soit du temps, soit de l'argent ou un petit peu des deux.

Quand on a du temps, bien sûr, prendre le temps de se former là-dessus, de se former non seulement à l'accessibilité numérique de manière générale, mais aussi aux bonnes pratiques du sous-titrage accessible. Après si on n'a pas forcément ce temps-là, parce qu’il y a non seulement le temps de formation, puis il y a aussi le temps, comme tu le disais, de sous-titrer sa vidéo. Si on n’a pas forcément ce temps-là, on peut aussi déléguer à des prestataires.

Alors, je mets un petit « warning » (point d’attention) là-dessus, si on veut déléguer à des prestataires. Dans notre profession, il y a beaucoup de sous-titrage amateur, c'est-à-dire que les personnes se lancent par passion ou parce qu’elles font des métiers annexes. Et donc j'ai beaucoup récupéré des clients qui étaient déçus de ces prestataires-là et qui du coup avaient du mal à faire confiance à des sous-titreurs.

Pourtant voilà, le sous-titrage, c'est un vrai métier. Si vous faites appel à des prestataires, il faut qu'ils aient été formés soit par une expérience professionnelle assez significative ou par une formation.

Et surtout, je dirais, qu’ils aient une vraie connaissance du handicap, il faut que les personnes concernées soient là quelque part dans le processus. Parce qu’effectivement, c'est pareil, je vois beaucoup de personnes qui sont formées au sous-titrage mais qui ne connaissent pas du tout le public auquel elles s'adressent. Donc voilà, une petite dose d'attention.

N'hésitez pas à leur demander leur portfolio, c'est-à-dire des vidéos qu'ils ont déjà sous-titrées, leur manière de faire, comment ils fonctionnent. Voilà, il ne faut pas hésiter là-dessus.

Attention au prix aussi, il y a certaines agences qui pratiquent des prix vraiment scandaleux, j'ai envie de dire, parce qu’elles profitent du fait que les personnes ne connaissent pas le processus de sous-titrage. Donc voilà, attention aux prix, attention aussi aux prix trop faibles, puisque vous aurez sans doute affaire à des personnes qui ne connaissent pas, ou en tout cas qui ne vont pas apporter le soin nécessaire au sous-titrage. Voilà pour déléguer.

Mais après les logiciels de sous-titrage professionnel, il y en a des gratuits, des très bons que l’on peut utiliser. Moi par exemple, j'utilise Subtitle Edit qui est un logiciel entièrement gratuit fait par une équipe de sous-titreurs, donc vraiment très adapté. Donc voilà, on peut se lancer même avec un budget restreint.

Le sous-titrage professionnel

[Warda]

OK, j'avais une petite question concernant la profession, est-ce qu'aujourd'hui il existe un certificat, une validation qui atteste que tu as telle et telle compétence, est-ce que tu as ce type d'appellation pour ce métier-là ?

[Céline]

Non, c'est une activité qui est non réglementée, contrairement aux avocats ou une autre profession, ce qui fait qu’on a de tout sur le marché. Il y a des Masters qui existent, des Masters de traduction audiovisuelle ou de sous-titrage.

Personnellement, je propose une formation au sous-titrage puisqu’il y a assez peu de formations continues au sous-titrage.

Donc voilà, deux ans de Master, c'est bien si on veut vraiment se spécialiser là-dedans, qu'on veut en faire son métier et qu'on est vraiment passionné et intéressé. Mais sinon, ma formation dure deux mois et à la fin des deux mois, on peut tout à fait proposer ses services en sous-titrage. Donc voilà, ce n’est pas non plus tant de temps que ça à investir si on veut simplement sous-titrer ses vidéos à soi. Je propose aussi, des conseils pour les formations et pour pouvoir trouver la bonne formation pour son propre sous-titrage donc il n’y a pas forcément besoin d'y investir non plus trop de temps.

[Warda]

OK, tu parles également des tarifs, est-ce que tu sais me donner un aperçu des offres qu'on retrouve ? Est-ce que c'est un TJM ? Est-ce que c'est en fonction de la quantité de données à traduire ? Est-ce que c'est en fonction de la complexité du sous-titrage ? Est-ce que c'est plutôt des packages ? Est-ce que c'est le volume de données ? Comment « pricer » (tarifer) tout ça ?

[Céline]

Alors la plupart des sous-titreurs ne facturent pas au TJM mais plutôt à la minute de vidéo. Donc par exemple, comme ça on sait très exactement, si notre vidéo fait dix minutes, on va savoir combien on va devoir payer le prestataire.

Après il y a des packages, par exemple pour moi, pour des créateurs de contenu qui m'offrent, on va dire, tant de vidéos par mois. On peut imaginer des packages là-dessus. Donc voilà, c'est plutôt comme ça que ça fonctionne. Après ça dépend aussi des prestations que vous voulez à côté : si vous souhaitez en plus être formés, si vous souhaitez en plus des conseils, là peut-être on va plutôt appliquer un tarif horaire.

Les erreurs courantes en sous-titrage

[Warda]

OK. Pour les créateurs de contenus qui s'occupent eux-mêmes de leur sous-titrage, quelles sont les erreurs courantes que tu as pu observer ?

[Céline]

Effectivement, c'est sûr que le sous-titrage vraiment accessible correspond à des normes qui sont assez précises. Je vais pas rentrer là-dedans aujourd'hui, mais en tout cas, les erreurs principales que je vois aujourd'hui sur les réseaux sociaux, c'est un sous-titrage fantaisie, c'est-à-dire avec des polices qui ne sont pas accessibles. Choisissez plutôt des polices sans serif type Arial, Times new roman par exemple. Voilà, vous serez dans le bon.

Attention aux couleurs, des couleurs trop flashy, c'est pas bon non plus. Des sous-titres qui flashent, c'est mauvais aussi pour les personnes. Il y a beaucoup de de personnes qui me disent : « Ca me donne de la migraine, ce type de sous-titrage ». C’est un sous-titrage qui va être un peu trop… Par exemple, un mot à la fois, des choses comme ça. Donc privilégiez plutôt des sous-titres un peu longs.

Ne pas oublier aussi l'orthographe et la grammaire. C'est en fait aussi une mesure d'accessibilité puisque si c'est un peu trop mauvais là-dessus, le sens risque de mal passer.

Attention aussi aux couleurs que vous utilisez puisqu’en sous-titrage Sourd et Malentendant, les couleurs ont une signification sur le type de sous-titres. Donc voilà, si par exemple vous mettez des sous-titres en rouge, une personne qui va être habituée au sous-titrage SME va se demander : « Est-ce que ça c'était juste un bruit ? », par exemple. Donc attention aux couleurs, essayez de rester un petit peu neutre dans ces couleurs-là.

Essayez de donner des indications de son, aussi, mais seulement si le son est important, attention à ne pas en abuser.

Voilà un petit peu des choses qu'on peut déjà mettre en place. Je dirais du moins possible de faire confiance à l’IA seule, il faut vraiment retravailler derrière.

[Warda]

Ça, c'est sûr.

[Céline]

Parce qu’en fait, le sous-titrage, c'est pas seulement l’exactitude des mots. Je vois beaucoup de sous-titreurs amateurs qui proposent de corriger des sous-titres automatiques en disant : « Comme ça, vous aurez un texte qui correspond vraiment. » Certes, mais ça ne suit pas derrière. Voilà, il faut essayer de privilégier la compréhension de manière générale.

[Warda]

Avec la ponctuation, les virgules, les trois petits points, les points d'exclamation. C'est vrai que je me rends compte que des fois, je suis obligée de me reprendre, parce que même moi, en lisant et en écoutant ma bande, je sens qu'il y a un décalage et l’effet escompté n'est pas là, donc c'est vraiment important de bien travailler ça.

C'est vrai que ça demande du temps, mais comme je le disais, tant qu'à investir du temps, autant le faire bien, parce qu’il suffit qu'il manque une virgule pour que tout le sens change, en fait.

[Céline]

Tout à fait. C'est vraiment la question de sens en fait. Qu'est-ce que je veux faire passer comme message ? Une vidéo est porteuse de sens donc si le sens est brouillé par un mauvais sous-titrage ou par pas du tout de sous-titrage, parce que voilà, on a quand même cet effet de… Maintenant, on a tellement de bonnes vidéos : LinkedIn a mis un fil vidéo maintenant, donc je peux tout simplement scroller jusqu’à trouver une bonne vidéo donc maintenant, malheureusement, les vidéos qui ne sont pas du tout sous-titrées ou qui sont mal sous-titrées, on va avoir tendance à les passer plus facilement d'où l'importance.

Peut-on mettre des éléments de personal branding dans ses sous-titres ?

[Warda]

Si on s'intéresse au personal branding (marque personnelle), jusqu'à quel point on doit ou on peut l'intégrer dans les sous-titres ? Personnellement j'utilise CapCut et c'est vrai que j'essaye dans la mesure du possible de mettre en couleur de fond ma couleur principale : c'est du violet assez foncé, une couleur qui contraste pour l'écriture et je vais respecter aussi ma typologie.

Je sais pas si c'est ce qu'il faut faire ou pas, c'est du Montserrat, je sais pas si c'est sans serif ou pas. J'aimerais avoir ton retour là-dessus et savoir justement en tant que créateur de contenu, quels sont les points de vigilance à avoir justement ?

Et une autre question, est-ce que, à partir du moment où tu pars sur un branding spécifique sur ta vidéo, est-ce que l'idée, c'est de la garder ? Est-ce que c'est quelque chose qu'on peut réactualiser en fonction du fond de de la vidéo ou pas ?

[Céline]

Oui, alors attention au branding. Pourquoi ? Parce que c'est très important que les sous-titres soient bien contrastés. Et souvent, je sais qu’on peut faire cette erreur de se dire : « Moi, je vois bien, pour moi c'est lisible donc il n’y a pas de souci. »

Quand on sous-titre, et quand on fait une vidéo, finalement, on ne la fait pas pour soi, on sous-titre pas pour soi, on veut essayer de toucher le plus de personnes possible.

Donc si on veut vraiment être accessible, il faut vraiment faire attention au contraste. Ce qu'on peut faire, c'est par exemple, sur certains logiciels, on a des « contrast checkers ». Tu en as sur Canva et aussi sur Internet, tu peux taper « contrast checker » et plusieurs ressortiront. Tu peux mettre le code HEX de tes couleurs dessus et ça va t'indiquer un score pour savoir si tes couleurs sont suffisamment accessibles ou non. Donc dans ce cas-là, on peut.

Par exemple, mes couleurs à moi, c'est le marron foncé et le parme clair. Je les ai souvent testées là-dessus, elles sont plutôt accessibles justement donc c'est pour ça que je les utilise dans tous mes visuels. Donc voilà, on peut essayer de faire comme ça.

Ce que je conseille, si jamais il y a un fond particulier, une fois on va avoir un fond clair, une fois un fond foncé, c'est normal, de plutôt mettre des sous-titres avec un fond, soit un fond noir, soit un fond vraiment très foncé, ce qu'on appelle le boxing. Ça pourra permettre de faire en sorte que les sous-titres soient bien lisibles.

Le sous-titrage au cinéma et à la télévision

[Warda]

OK cool, merci. Tu as travaillé chez Disney je crois, chez Disney Channel et d'autres grandes entreprises. Comment ces expériences ont-elles influencé ton approche du sous-titrage ?

[Céline]

Oui. Alors pendant ma première expérience professionnelle, j'ai travaillé dans un grand laboratoire de production audiovisuelle. On faisait beaucoup de doublage et de sous-titrage, donc j'ai pu voir un petit peu comment les chaînes de télévision françaises fonctionnaient, et comment au cinéma ou à la télévision ça fonctionnait.

Ce qui est intéressant, c'est que maintenant il y a des obligations. C'est-à-dire, il y a une obligation que tous les films diffusés en France aient un sous-titrage SME. Pareil pour ce qui est diffusé à la télévision. La plupart des programmes sont concernés par cette obligation de sous-titrer.

Mais même comme ça, on remarque que beaucoup de programmes ne sont encore pas sous-titrés, surtout quand ils sont ensuite mis sur les plateformes de streaming. On voit qu’il y en a beaucoup où les sous-titres sont pas tout de suite disponibles.

Aussi, au cinéma, peut-être que vous êtes un petit peu étonné par le fait je dise que le sous-titrage SME est obligatoire parce que peut-être que vous en avez jamais vu au cinéma, peut-être que vous avez simplement vu un sous-titrage VOST qui est un sous-titrage où, si vous allez voir votre film en anglais, vous allez avoir les sous-titres en français.

Mais ces sous-titres-là sont à destination des personnes qui entendent mais qui ne comprennent pas la langue, donc peut-être que vous n’avez jamais vu de sous-titrage SME. Pourquoi ? C'est parce que les cinémas n’ont pas forcément d'obligations de diffuser à certaines heures le sous-titrage SME, ce qui va poser beaucoup de problèmes pour les personnes qui en ont besoin car parfois, ces films-là vont être diffusés à des heures creuses, donc si on travaille c'est difficile d'y avoir accès.

Donc voilà, il reste quand même un peu encore d'inaccessibilité du cinéma et des productions audiovisuelles de manière générale.

Après ça, j'ai travaillé pour… Enfin je travaille toujours pour de grandes agences qui ont des plateformes de streaming en clients. Ce que je remarque pour certaines d'entre elles, c'est que les personnes concernées, les personnes sourdes, ne sont pas du tout impliquées dans le processus de travail. On va plutôt essayer d'avoir un rapport qualité-prix très avantageux pour le client final, c'est-à-dire la personne qui va produire les vidéos et pas forcément quelque chose de qualité pour le public.

Donc voilà, c'est pour ça que je rappelle de faire attention, comme je le disais tout à l'heure, sur votre prestataire, il faut  voir s'il y a vraiment des normes de qualité qui sont suivies, s’ils ont des bons retours des personnes concernées. Sinon vous allez sans doute payer pour rien, finalement.

En quoi le sous-titrage aide l’image de marque des entreprises

[Warda]

OK, cool. Est-ce que tu peux nous expliquer de quelle façon le sous-titrage adapté aide les entreprises à améliorer leur image de marque, leur image employeur, notamment dans le développement des politiques RSE des entreprises ?

[Céline]

Oui, en fait, l'accessibilité rentre vraiment complètement dans les enjeux RSE. Et aussi… On l'a vu avec les Jeux paralympiques, c'était les Jeux paralympiques les plus suivis de l'histoire.

Donc on se rend bien compte que les gens s'intéressent au handicap, que les gens sont concernés par le handicap sous toutes ses formes puisque maintenant on a de plus en plus de personnes qui se font diagnostiquer aussi. On parlait tout à l'heure des troubles dys, des troubles du spectre autistique également.

Les personnes sont concernées par le handicap, les personnes sont aidantes, ont dans leur entourage quelqu'un qui est en situation de handicap, donc elles attendent aussi des entreprises, desquelles elles vont consommer quelque chose, qu'elles soient un petit peu à jour sur ces sujets.

Aussi, on a de plus en plus le fait que les personnes sourdes prennent la parole, dénoncent quand le sous-titrage est mauvais ou quand il n'y a pas de sous-titrage. Surtout pour les entreprises qui a priori ont les moyens ou pour les créateurs de contenus qui ont une audience assez large donc on peut imaginer qu'ils ont des sponsors, etc.

Donc les gens se demandent de plus en plus pourquoi ils n’investissent pas dans l'accessibilité.

On peut aussi avoir des formes de « bad buzz » parfois pour certaines entreprises ou le gouvernement. Quand l'accessibilité est mauvaise ou n’est pas présente, les personnes s'en plaignent : les personnes concernées, ensuite les personnes de leur entourage, puis les personnes qui s'intéressent à ces sujets vont aussi relayer en disant : « Mais dis donc, c'est pas du tout accessible, comment ça se fait ? »

Aussi, pour les entreprises qui se targuent d'avoir une bonne politique RSE, qui se targuent des progrès d'inclusion qu'elles ont fait, mais finalement font une vidéo pour présenter ces progrès, qui n’est pas sous-titrée, qui n’a pas d'audiodescription… Voilà, où l’accessibilité n'est même pas pensée… On est légitime de se demander si c'était bien vrai ou non.

Donc voilà, je dirais, pour ces enjeux RSE-là.

Et je dirais, sur la marque personnelle, vous montrez que vous vous intéressez à ces personnes-là, que les enjeux RSE sont importants pour vous. Et je pense que c'est vraiment un élément différenciant.

Aujourd'hui, on a tellement de créations de contenu, on a tellement d'informations tout le temps que finalement, on veut essayer aussi de se démarquer de manière positive.

Et dans un de tes épisodes, tu avais parlé de « slow communication » (la communication lente). Moi ça me parle beaucoup, au niveau de l'accessibilité aussi. Comme tu le disais, quand tu sous-titres tes vidéos, ça peut te prendre du temps, tu vas essayer de faire ça bien, donc peut-être que tu vas pas poster des vidéos tous les jours, mais les vidéos que tu vas poster, elles vont être vraiment de qualité, elles vont être vues, elles vont être suivies, elles vont être partagées.

Donc finalement, peut-être s'inscrire dans cette démarche de communiquer mieux même si ça veut dire communiquer moins.

L’accessibilité aux Etats-Unis et au Canada

[Warda]

Oui, exactement. Je me posais la question de savoir comment ce sujet de l'accessibilité numérique est géré outre-Atlantique, que ce soit par exemple aux États-Unis, au Canada, en Suède, qui sont quand même assez tournés vers ces sujets-là. Est-ce que tu as une visibilité ? Est-ce que tu sais ce qui se fait là-bas ? Est-ce que le public est peut-être beaucoup plus en soutien de ces démarches, de ces approches ?

[Céline]

Oui, déjà, aux États-Unis, par exemple, on a à peu près la même proportion qu'en France de personnes sourdes et malentendantes, avec en plus le fait que beaucoup de personnes sourdes et malentendantes aux États-Unis ne se font pas soigner, n'ont pas accès à des appareils auditifs par exemple, parce qu’on sait que ça coûte très cher, là où en France, beaucoup de dispositifs sont remboursés.

Donc elles se retrouvent d'autant plus dans des situations d'isolement, où elles ne vont pas se faire diagnostiquer par exemple. Donc les enjeux de sous-titrage là-bas sont très importants.

Les normes sont aussi présentes. Il faut savoir que dans chaque pays, on a des normes Sourd et Malentendant différentes. Donc aux États-Unis, on a des normes particulières pour le sous-titrage Sourd et Malentendant qui sont de plus en plus utilisées partout, même quand il n’y a pas d'obligation finalement.

Donc puisque j'ai aussi une activité de traductrice, je continue le sous-titrage anglais-français. J'ai beaucoup de clients qui sont très diversifiés. Chaque entreprise aujourd'hui fait des vidéos et ces vidéos là-bas, il faut qu'elles soient sous-titrées, c'est presque une obligation morale et je pense aussi que cette peur du « bad buzz » est très présente chez ces clients-là.

Ils ne veulent pas se retrouver en situation de devoir justifier pourquoi ils n’ont pas sous-titré ou pourquoi ils ont mal sous-titré. Donc c'est vrai qu'effectivement, on a de plus en plus ça.

J'ai aussi beaucoup de clients canadiens effectivement. Au Canada, on parle énormément de ces enjeux. Et on va aussi beaucoup plus former, dans les entreprises par exemple, à l'accessibilité, aux enjeux RSE et à l'inclusion. Donc, ces conférences, ces webinaires qui sont fait, très souvent, ils sont sous-titrés.

Accessibilité et visibilité sur les réseaux

[Warda]

OK, cool. Entre guillemets, à quel type de performance on peut s'attendre justement, notamment en termes d'engagement et de visibilité des vidéos en ligne, notamment sur des plateformes comme YouTube, Instagram, même LinkedIn, comme tu disais, ils ont récemment introduit le fil vidéo. Est-ce que tu as des statistiques à partager avec nous ?

[Céline]

Oui, alors en termes de statistiques, il y a des entreprises qui ont fait des études là-dessus, qui ont implémenté le sous-titrage dans leur chaîne YouTube et qui ont vu qu'elles avaient environ 60% de plus de vues avec un sous-titrage que sans.

Alors ce sont des chiffres à prendre avec des pincettes, car est-ce que c'est vraiment le sous-titrage ? Est-ce que c'est le fait qu'ils ont plus posté ? C'est un petit peu difficile à savoir.

Par contre, ce qui est sûr, c’est que le fait de mettre des sous-titres sur YouTube aide énormément au référencement.

Parce qu’en fait, on le sait, les YouTubeurs le savent, c'est très important le référencement sur YouTube pour que sa vidéo soit vue. Et en fait, l'algorithme de YouTube va en quelque sorte noter les vidéos selon les informations qu'on va y mettre. Donc il va regarder les mots-clés qu'on a mis dans le titre, dans les métadonnées, dans la description de la vidéo.

Mais aussi, si on ajoute à la plateforme, c'est-à-dire qu'on intègre à la plateforme un fichier de sous-titres, un fichier .srt, l'algorithme va aussi regarder tous les mots qui sont dans ce fichier .srt, donc finalement ça booste complètement le référencement naturel puisqu’on a de plus en plus de mots qui sont analysés par YouTube. Donc ça, c'est vraiment quelque chose d'important.

Ce que je dis souvent, c'est que mes sous-titres sont lus par les personnes qui en ont besoin, mais aussi par les robots car ils font en fait partie intégrante de la vidéo.

On en a déjà parlé un peu de ce temps de visionnage, qui est vraiment très important sur toutes les plateformes, notamment sur YouTube, puisque par exemple si on a envie de faire monétiser sa chaîne YouTube, il faut atteindre les 1000 abonnés mais aussi les 4000 heures de visionnage.

 Donc ça montre bien que YouTube veut que les personnes restent sur la vidéo, ce qui est logique puisque le but de toute plateforme, c'est qu'on reste le plus possible sur cette plateforme et donc, ils vont pousser de plus en plus des contenus de qualité, bien sûr, mais des contenus qu’on regarde jusqu'au bout et le sous-titrage, c'est une grande partie de ça.

[Warda]

OK, cool. Est-ce que peut-être tu as un exemple concret, peut-être l'un de tes clients ou peut-être une étude de cas que tu connais où justement le sous-titrage a eu un impact significatif sur l'augmentation des vues et l'engagement des vidéos ?

[Céline]

Effectivement, un client a voulu tester le sous-titrage puisqu'en fait il avait un podcast vidéo et il en publiait des extraits sur LinkedIn.

Mais en fait, il a remarqué que ses vidéos avaient peu d'engagement, elles étaient assez peu vues. Le nombre d'impressions pouvait être assez haut mais finalement, ça suivait pas derrière, disons, il n’y avait pas non plus de leads ou de conversations qui étaient lancées après.

À partir du moment où on a sous-titré, ça a mis quelques temps, mais au fur à mesure des vidéos, on s'est rendu compte que beaucoup plus de personnes commentaient, beaucoup plus de personnes réagissaient ou donnaient leur avis, alors soit par message, soit même en présentiel.

Pour moi, ça montre que les personnes ont vu la vidéo jusqu'au bout et qu’elles veulent réagir à ce qui a été dit. Donc le message est bien passé, finalement.

Donc c'est ça qui est rigolo, entre guillemets, avec le sous-titrage, c’est que… Moi je dis toujours qu'un bon sous-titrage, c'est un sous-titrage invisible, qui en fait s'intègre tellement dans la vidéo qu’on a l'impression de tout comprendre et on n'a pas l'impression de lire la vidéo, on a l'impression de la comprendre comme ça.

Et donc les personnes vont pas forcément se rendre compte que c'est à cause du sous-titrage qu'elles ont plus suivi une vidéo qu'une autre, mais les résultats sont là, on voit qu’il y a plus d'interactions donc je pense si notre objectif est de pousser aux conversations, de pousser à ce que les gens s'intéressent à soi, le sous-titrage ça peut être une bonne porte d'entrée.

Les différences entre le sous-titrage accessible et le sous-titrage « lambda »

[Warda]

Oui, super. Tu disais tout à l'heure que justement le sous-titrage SME et, on va dire, le sous-titrage « lambda », c'est quand même deux techniques différentes. Est-ce que tu peux justement nous partager les principales différences notamment pour des plateformes comme YouTube, Instagram ou LinkedIn ?

[Céline]

Oui. La grande particularité du sous-titrage SME, c'est que c'est un sous-titrage qui a des couleurs, selon le type de son et la provenance du son. Donc malheureusement, les couleurs parfois ne passent pas dans YouTube, par exemple, si on veut intégrer un fichier .srt. La plupart du temps, les couleurs ne vont pas passer, tout simplement, c'est de la technique.

Donc ce que je fais pour les réseaux sociaux, je vais plutôt prendre les normes américaines, les normes SME américaines qu'on appelle les normes SDH, ces normes-là, elles n’ont pas de couleurs, ce qui fait que les informations qu'on va relayer d'habitude avec les couleurs en sous-titrage SME, on va les relayer avec des informations plutôt textuelles, ce qui fait qu'on peut le mettre sur plus de plateformes. On a aussi moins de contraintes en termes de positionnement des sous-titres.

Ce qui est vraiment intéressant avec ça, c'est que toutes ces normes, c'est pas pour nous embêter, entre guillemets, mais c'est pour nous pousser à ne pas sous-titrer pour soi justement, pas se dire : « Là, j'arrive à lire, donc c'est bon. » Ces normes, elles sont là pour nous dire : « En fait, il faut respecter certains caractères par ligne, certains caractères par seconde, pour que le plus de personnes possible puissent lire nos sous-titres et bien les comprendre ».

Aussi, en termes de style de sous-titres et, j'ai envie de dire, d'architecture du sous-titre, comment est-ce que je vais mettre mes mots ? Où est-ce que je vais placer ce qu'on appelle la césure, c'est-à-dire où est-ce que je vais découper mon sous-titre ?

Tout ça, ça va permettre qu'on lise plus vite et plus facilement aussi. Donc voilà, tout ça c'est basé sur des recherches scientifiques là-dessus, ce qui a donné des techniques qu'on peut utiliser aujourd’hui.

Tendances actuelles et avancées technologiques

[Warda]

OK, super. Qu'est-ce que tu peux nous dire des tendances actuelles en matière de sous-titrage et d'accessibilité numérique ? Est-ce qu'il y a des nouvelles choses qui vont arriver, des nouvelles fonctionnalités, des nouveaux outils ?

[Céline]

Moi ce que j'attends de pied ferme, c'est sur YouTube par exemple, certains grands créateurs ont déjà accès à plusieurs pistes audio sur leur vidéo, c'est-à-dire qu'on peut choisir la langue de la vidéo qu'on veut regarder, donc quand c'est doublé par exemple en français, en anglais, on peut mettre différentes pistes audio, mais pour l'instant c'est pas encore ouvert à tous.

Et en fait, ces pistes audio-là, on peut les utiliser pour le doublage mais aussi pour l'audiodescription, ce qui permettrait en fait de faire une seule vidéo, de l’audio décrire et de mettre cette piste audio d'audiodescription dans YouTube directement, ce qui serait vraiment très pratique puisqu'on n’aurait plus à faire plusieurs vidéos, une sans audiodescription et une avec. Donc ça, j'attends beaucoup.

Aussi, vis-à-vis de LinkedIn et Instagram, j'aimerais que comme sur YouTube on puisse intégrer un fichier .srt. Alors, on peut le faire sur certaines vidéos mais souvent ça s'affiche mal, ça garde pas, justement, tout ce dont j’ai parlé, le découpage des sous-titres, ce qui est très important.

Donc du coup, on se retrouve à devoir incruster directement les sous-titres sur la vidéo. Alors, ce qui est déjà très bien mais on considère que pour être encore plus accessible, il faudrait que les personnes puissent choisir directement leur affichage des sous-titres.

Par exemple, si vous allez sur Disney + et que vous choisissez de mettre les sous-titres, vous avez ensuite le choix de la police, de la couleur des sous-titres, de la taille des sous-titres, tout ça.

Ce serait vraiment super qu'on puisse aussi le faire sur LinkedIn et Instagram, surtout qu'on sait que ça existe puisque ça fait plusieurs années déjà que les plateformes de streaming le font, donc vraiment ce serait très pratique de le faire.

Et aussi je pense que pour les créateurs de contenu ce serait encore plus pratique puisqu'on aurait juste à penser au découpage, aux caractères par ligne, par seconde et aux timecodes des sous-titres mais on n’aurait plus à penser à l'affichage des sous-titres puisque les personnes pourraient choisir. Donc ça j'espère vraiment que ce sera mis en place rapidement.

L’accessibilité des formations en ligne

[Warda]

Justement au niveau des plateformes de formation, est-ce que ce sont des fonctionnalités standard ? Typiquement, en ce moment je crée une formation en copywriting, j'enregistre mes vidéos avec Canva, je sais que c'est un peu inhabituel mais c'est ce qui me convenait. Je vais utiliser peut-être un outil comme SchoolMaker pour « hoster » (héberger) mes vidéos mais je sais que je n'aurais pas les sous-titres.

Par exemple, si j'utilise Loom, je sais que tu as le « transcript » (la transcription) qui est proposé, ce qui est déjà un mieux, mais comment puis-je m'assurer que je puisse avoir les sous-titres, ou avoir en tout cas un texte à soumettre, peut-être la chronologie aussi, mais sans avoir à faire les sous-titres.

Parce que ce qui me dérange avec les sous-titres, c'est que quand un slide, tu as tout bien peaufiné, tu as fait tes petites images, tes effets… Et quand t'as un pop-up qui vient, qui a une couleur différente, c'est pas terrible, quoi. C’est quelque chose qui aujourd'hui me bloque.

J'ai vraiment envie de proposer des sous-titrages, mais j'ai envie de le faire de façon esthétique aussi pour vraiment garantir une bonne expérience. Qu'est-ce que tu suggérerais dans cet exemple-là ?

[Céline]

Alors je pense qu’il y a plusieurs choses.

Déjà effectivement le fait que toutes les plateformes de e-learning ne se valent pas au niveau de l'accessibilité. Le mieux, ce serait en fait qu'on ait un type YouTube où on pourrait mettre un fichier .srt directement sur la vidéo et donc les personnes pourraient choisir de mettre les sous-titres ou de les enlever. Donc déjà, on aurait ça.

Et pour aller plus loin, de pouvoir choisir soi-même la taille des sous-titres. Tu parlais du côté esthétique et ça je comprends, c'est une chose qui revient assez souvent. Donc le fait d'avoir ça, ça permettrait que si on n’a pas besoin des sous-titres, voire si ça nous distrait, on pourrait les enlever, mais par contre les personnes qui en ont besoin pourraient les mettre, tout simplement.

Après, si on veut aujourd'hui proposer une formation, parce que je comprends bien que ce sont des choses qui ne sont pas encore appliquées, je dirais de vraiment penser l'accessibilité au tout départ de la création de la formation, voire de la création de la vidéo.

De déjà penser au fait qu’il y aura des sous-titres sur ma vidéo parce que je veux qu'elle soit accessible. Donc comment est-ce que je vais penser mes slides ? Comment est-ce que je vais penser mon script, mon débit de parole pour que ce soit bien sous-titré ?

[Warda]

C’est vrai que c'est quelque chose que je vais devoir revoir, parce qu'en effet j'ai une petite bande de couleur en bas qui pourrait servir de fond pour les sous-titres.

Mais c'est vrai que c'est important d'y penser parce que typiquement quand tu prends tout l'espace de ton slide, après c'est un peu compliqué, ça charge le visuel inutilement et encore une fois, l'expérience utilisateur est complètement gâchée, quoi. Ce qui est dommage en soi.

[Céline]

Oui, c'est ça. En fait, beaucoup de sous-titreurs vont recevoir la vidéo, mettre des sous-titres dessus et puis on en parle plus et souvent les créateurs ne sont pas très contents parce que justement, parfois les sous-titres vont cacher quelque chose à l'écran, etc.

Moi je dis toujours que le sous-titrage, c’est du texte, mais sur une image. Tu veux essayer de penser au global.

Alors bien sûr, par exemple, c'est penser à ne pas cacher un texte à l'écran avec un sous-titre. Donc le sous-titre, on a la possibilité de le bouger par exemple. Mais pour moi, il faudrait penser vraiment à l'image globale, pour que toute l'image, que toute la vidéo soit accessible aussi en soi finalement, puisque par exemple si tu mets des sous-titres, mais que ta slide est beige et que ton écriture est blanche, il y aura un mauvais contraste. Oui, ce sera accessible aux personnes sourdes mais pas aux personnes qui sont sourdes et malvoyantes, ni aux personnes qui sont malvoyantes ou sur le spectre de la cécité non plus.

Et puis même, on dit que l'accessibilité ça sert aussi à tout le monde puisque ce type de police, peut-être qu'on va réussir à la lire, mais finalement ça va être difficile.

Et surtout je pense que pour une formation, c'est d'autant plus important. Tu veux que les personnes suivent ta formation jusqu'au bout, qu'elles comprennent bien tout, qu'elles aient tout retenu, qu'elles repartent avec un apprentissage. Et donc finalement, penser l'accessibilité dès le départ, ça va permettre ça aussi.

L’avenir de l’accessibilité et du sous-titrage

[Warda]

Super, parfait. J'ai encore quelques petites questions. Justement, je souhaite savoir en fait comment toi, tu vois l'avenir de l'accessibilité et du sous-titrage ? Quels développements… Tu nous as parlé des innovations que tu attends, est-ce que tu as peut-être d'autres choses que tu voulais partager avec nous ?

[Céline]

Sur les innovations, bien sûr, on a de plus en plus l'arrivée de l'intelligence artificielle qui permet  d'avoir quelque chose, on va dire, quand c'est pas possible, pour des questions de budget, de temps, etc. Pour avoir un vrai sous-titrage accessible, l’IA bien sûr, peut aider les personnes sourdes à avoir au moins une information, même si elles n’ont pas tout.

Après moi, ce qui me fait peur là-dessus, c'est qu’on s'habitue à une mauvaise accessibilité, à une accessibilité qui soit pas adaptée et que finalement, on n'écoute pas, encore une fois, les retours des personnes concernées, puisqu’elles, leur retour, c'est qu’effectivement l’IA, c'est bien parce qu’au moins il y a quelque chose alors qu’avant, il n’y avait rien. Mais c'est pas parfait.

L’IA, pour l'instant, n'est pas du tout au fait de toutes les normes dont j'ai parlé parce qu’il y a aussi cette méconnaissance du handicap. Donc l’IA n’est pas faite pour ça.

Si on regarde sur CapCut par exemple, on a des sous-titres automatiques qui sont proposés. Et eux vont essayer de répondre à une demande de sous-titres dynamiques, de sous-titres habillage. On leur demande pas d'être accessible donc ils ne peuvent pas l'être.

Ce que j'attends aussi, ce serait que si on va de plus en plus vers l'intelligence artificielle, qu'on inclue les personnes concernées dans leur développement et que l'accessibilité vienne en premier dans l'esprit.

Comme je te disais tout à l'heure sur la création des formations, ça devrait être partout, en fait. Si tu crées une vidéo, il faudrait réfléchir au tout départ à comment ma vidéo sera accessible et en fait, ce sera beaucoup plus facile au final de le faire.

Pour donner un court exemple, si on fait une vidéo où on a deux personnes qui parlent, imaginons une interview, et que cette vidéo va être diffusée comme ça, pourquoi ne pas demander aux personnes de décrire rapidement leur environnement ? Et comme ça, ça permettrait de ne pas avoir à plus tard faire une audiodescription parce que ça a été pensé en amont. Voilà le genre de choses que j'aimerais voir venir.

Conseils pour les futurs pros du sous-titrage

[Warda]

OK super, merci pour ton partage. Pour les entrepreneurs qui souhaitent se lancer dans le domaine du sous-titrage, quels conseils tu leur donnerais pour débuter et se démarquer ?

[Céline]

Alors effectivement, comme je le disais, dans la profession, il y a beaucoup de personnes qui se lancent sans formation. Alors le problème de ça… Bien sûr, on peut apprendre en autodidacte, mais il faut se faire corriger par les personnes qui savent faire. Donc au sein d'une expérience professionnelle ou via d'autres, d'autres sous-titreurs ou une formation au sous-titrage.

Alors pourquoi ça ? J'ai souvent récupéré des élèves qui viennent me voir en me disant : « Voilà, j'ai voulu chercher des clients, ils m'ont fait passer un test » parce que comme je le disais, maintenant, les clients sont un peu méfiants et notamment les agences de sous-titrage. Elles ne prennent pas « n'importe qui », on va dire. Elles font souvent passer des tests avant.

Et cet élève m'a dit : « Bah en fait, je ne les réussis pas à chaque fois, je comprends pas, je suis à chaque fois recalé » donc je lui ai demandé de me montrer un des fichiers qu'il avait fait.

Et effectivement, le sous-titrage pro, ça se voit tout de suite parce qu’il y a toutes ces normes qui sont respectées, toutes ces choses qui ne se devinent pas. Donc je lui ai dit : « Je pense que c'est pour ça que tu as été recalé de nombreuses fois. » Donc si on veut vraiment être professionnel, il faut savoir toutes les choses qui nous font paraître pro pour réussir.

Après, ce qui est super intéressant avec le sous-titrage, c'est qu’une fois qu'on arrive à gagner la confiance du client en montrant qu'on est professionnel, qu'on sait bien faire, on garde très souvent le client, donc ça, voilà.

On peut se lancer aussi, il faut avoir bien sûr de la patience au début, se construire un portfolio de preuves qu'on a déjà sous-titré. Alors on peut tout à fait faire ça de manière bénévole : allez voir les créateurs de contenus que vous aimez, proposez-leur de sous-titrer leurs vidéos.

Les associations aussi ont très envie de se rendre accessibles, mais elles ont parfois pas le budget ou le temps, donc vous pouvez aller les voir et en échange d'être crédité, par exemple, vous pouvez leur proposer de sous-titrer.

Voilà à peu près : je dirais, d'abord la formation, puis le portfolio. Et ensuite ce que je dirais c'est vraiment vous former à tout ce qui est marketing, entrepreneuriat, tout ça. Si vous l'êtes déjà, parfait, vous pouvez réutiliser ça.

Mais en tout cas, il y a une grande partie discussion avec les clients puisque l'accessibilité numérique, on en parle depuis un moment, mais finalement c'est encore assez peu connu et appliqué. Donc il y a une partie sensibilisation à faire avec les clients qu'il faut savoir faire.

Et puis surtout, essayez de discuter avec des personnes concernées par la surdité. C'est important qu'elles soient dans votre réseau, qu'elles soient là, qu'elles puissent vous corriger aussi, voir ce que vous faites. C'est vraiment important de les inclure là-dedans.

Les actualités de Céline et où la retrouver

[Warda]

Super, parfait. On se dirige tout doucement vers la fin du podcast. Céline, est-ce que tu peux nous partager tes réseaux, là où on peut te retrouver, ton actualité, tes offres… Tu parlais notamment d'une formation ?

[Céline]

Oui tout à fait, ce serait avec plaisir de me connecter avec vous sur LinkedIn donc vous pouvez me trouver « Céline Ripolles ». J'ai aussi mon site, « celineripolles.com » vous verrez, j'ai un blog où je donne pas mal de conseils un peu plus en détail sur le sous-titrage et sur l’accessibilité.

Vous avez aussi ma newsletter « Un monde accessible » sur Substack vous pouvez la retrouver et tous les mois je vais vous partager un conseil pour mieux sous-titrer.

Je vais aussi faire des interviews de personnes concernées pour que vous sachiez un peu quelle est la réalité de leurs besoins et de leur situation. Pour ma formation, effectivement, je propose une formation de deux mois au sous-titrage professionnel. Pour l'instant elle est complète jusqu'en janvier mais les inscriptions redémarrent pour mars 2025.

Donc voilà, n’hésitez pas à me contacter pour plus d'informations, et si le sujet vous intéresse et que vous voulez plonger là-dedans, je serai vraiment ravie de discuter avec vous.

[Warda]

Super. Ecoute Céline, je te remercie infiniment pour la qualité des informations que tu as partagées avec les auditrices du podcast et avec moi également, j'en ai pas mal appris.

Je pense que je vais réajuster deux, trois choses dans mon approche aujourd'hui du sous-titrage donc merci infiniment.

[Céline]

Merci à toi.

[Warda]

Et encore une fois comme je le disais, je trouve que c'est un sujet qui mérite qu'on lui prête de l'attention et qui nous permettra vraiment de nous démarquer. Parce qu’en effet, on a beaucoup de vidéos, mais la plupart des vidéos qui sont diffusées, il y en a quand même pas mal qui sont pas à la hauteur de l’audience, du public, donc il y a vraiment une carte à jouer, quoi.

[Céline]

Tout à fait. Merci beaucoup à toi Warda, c'était vraiment un plaisir.

[Warda]

Avec plaisir. Bye bye.

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